Depuis quelques années, la région
des Côtes-du-Rhône Septentrionales (des CRS bien inoffensifs) qui s’étendent du
sud de Lyon au nord de Valence ont le vent en poupe. Leurs plus fervents
admirateurs les portent aux nues et en parlent avec amour, peut-être plus qu'ailleurs. Il est donc fascinant d’aller y passer quelques jours
pour comprendre l’évidente magie de noms mythiques tels que Côte-Rôtie,
Hermitage ou bien encore Condrieu. Des terroirs certes, mais aussi des paysages
fantastiques, des cépages précieux en parfaite adéquation avec leur milieu. Un
mélange de tradition et de modernité saupoudré d’une touche d’humour et parsemé
de créatures étranges.
Un vrai voyage…
Il suffit de se promener dans les
vignes de Côte-Rôtie pour comprendre qu’ici l’homme est en parfaite harmonie
avec son environnement. Les pentes des coteaux peuvent être vertigineuses,
dépassant parfois les 60 degrés ce qui, au-delà de la beauté du paysage, impose
de trouver des solutions d’adaptation. D’où par exemple ces piquets de bois
(les échalas) qui permettent de maintenir la vigne droite en dépit de la pente.
L’importante déclivité ainsi que
le sol très caillouteux rendent toute mécanisation impossible. On revient donc
ici nécessairement à une viticulture à l’ancienne, entièrement manuelle. Pour
pallier la trop forte pente et lutter contre l’érosion importante des sols
emportés à chaque intempérie, les viticulteurs ont élevé des murets de pierre créant ainsi des espaliers. On imagine facilement la pénibilité du travail qui doit
être fourni tant pour travailler la vigne au quotidien que pour assurer l’entretien
régulier de ces murets. Ceci explique en partie le prix élevé des bouteilles
issues de ce cru.
La région a connu de très grands
hommes qui ont laissé une empreinte forte par leur courage et leur foi
indéfectible en leur terroir. Un nom vient immédiatement en tête, celui
d’Etienne Guigal (dont le portrait a été sculpté dans un foudre exposé dans les
caves du domaine à Ampuis), fondateur juste après la seconde
guerre mondiale du domaine Guigal. Son fils Marcel a également beaucoup œuvré au
développement de cette institution. Désormais mondialement connues, certaines de
ses cuvées sont devenues au fil des ans des mythes absolus.
Les trois mythes de la maison Guigal sur Côte-Rôtie : la Mouline, la Landonne et la Turque. Des styles bien différents intimement
liés à leur terroir d’origine : côte brune puissante ou côte blonde plus
délicate. Certainement à l’image des deux filles du seigneur de Maugiron,
propriétaire de Côte-rotie qui, selon la légende, aurait doté chacune d'elle de l’un de ses meilleurs terroirs... Quoi qu’il en soit, la Turque
2010 goûtée au domaine fut assurément un grand moment de dégustation.
Une autre belle rencontre, celle de Paul Ansellem qui nous a parfaitement
accueillis au domaine Vernay. Sa femme, Christine Vernay, a très
brillamment repris la tête du domaine familial à la suite de son père, Georges Vernay. Tout comme les Guigal, les Vernay ont joué un rôle majeur dans la
région. Georges Vernay fut ainsi le sauveur de l’appellation Condrieu et de son
cépage phare, le viognier. Ce dernier n'était plus planté que sur une petite
dizaine d’hectares dans les années 1940. Mais grâce à la conviction d’un homme,
ce vignoble pu renaître et regagner ses lettres de noblesse.
Il faut boire aujourd’hui un grand Condrieu pour comprendre
le fabuleux potentiel du viognier qui donne malheureusement trop souvent ailleurs des
vins exagérément aromatiques et lourds. Un budget, certes, mais une belle
émotion de dégustation à la clé !
Cap plus au sud vers la colline de l'Hermitage. On aperçoit ici le véritable emblème
du cru : la chapelle éponyme construite au sommet dans
laquelle le chevalier de Sterimberg s’installa en 1224 afin d’y vivre en
ermite. Choix certainement dicté par la beauté des lieux mais aussi parce qu’il
était possible d’y survivre grâce, notamment, au raisin qui y était cultivé
depuis l’Antiquité. Les siècles ont passé, les vignes sont encore là et la
chapelle veille toujours à la destinée de cette fabuleuse colline.
Bien loin des grandes parcelles
quasiment plates de nombreux grands crus bordelais, on distingue bien sur cette
photo que la colline de l’Hermitage présente un relief très accidenté, coïncidant
avec une grande diversité de sols et d’expositions. Ce qui explique que traditionnellement, les vins d'Hermitage ne sont pas des sélections parcellaires (vins issus d'une seule parcelle sur la colline) mais des assemblages des différentes parcelles que possède un vigneron.
Il s’agit bien d’une
colline magique, capable de produire de très grands vins, tant en rouge qu’en
blanc, dont le potentiel de vieillissement peut être absolument exceptionnel
certaines années.
La beauté d’un pied de vigne de
la colline de l’Hermitage après la pluie.
La découverte de la région
conduit parfois à d’étonnantes rencontres. Comme ce gros insecte orange aux
yeux curieux… propriété de M. Chapoutier, autre grand nom de la
région dont la qualité des cuvées s’est révélée impressionnante au regard de
l’importance des volumes produits (plusieurs millions de bouteilles
annuellement).
LA belle découverte.
Les trois
vignerons créateurs des Vins de Vienne (de gauche à droite) : François
Villard, Yves Cuilleron et Pierre Gaillard. Ces trois audacieux personnages ont
monté un très beau projet. Ils ont fait renaître de ses cendres le vignoble de
Seyssuel. Ça ne vous parle pas ? C’est normal. Il y a encore une vingtaine
d’années, il n’y avait plus grand-chose (et surtout pas de vignes) sur ces
collines jouxtant celles de Côte-Rôtie. A partir d’un constat simple (un sol
similaire à celui de son prestigieux voisin et le même type d’exposition), ces mousquetaires ont osé replanter des vignes. Et quel résultat !
Des vins d’une pureté aromatique phénoménale pour des tarifs relativement
raisonnables. La preuve s’il en fallait encore une que certains terroirs
totalement inconnus peuvent produire de très grandes choses. Une invitation à
oser sortir des sentiers
battus…
J’aurais aimé dire que cette
écharpe m’avait coûté beaucoup de sueur. Que j’en étais très fier. Que je
souhaitais saluer toute ma famille pour cette belle reconnaissance et que j’espérais
qu’avec elle la misère allait reculer dans le monde… La seule chose, c’est que je n'ai pas participé à l'élection de Mister vendangeur 2013. Mais promis, l'écharpe ne m'échappera pas en 2014 !
Enfin, un dernier clin d’œil de
nos amis rhodaniens. Quand on vous dit qu’il faut parfois se méfier des choses
qui paraissent les plus inoffensives. Je ne souhaite pas refaire ici le débat pro / anti
s'agissant du bio. Je rappelle juste que tout n’est pas aussi simple qu’il y parait
puisque la production de raisins bio (et donc de vin bio in fine) nécessite
davantage de passages dans les vignes pour réaliser des traitements contre les
maladies. Et que ces traitements se font pour certains à base de cuivre qui est
un métal lourd qui va se déposer dans les sols. A mettre donc simplement en
parallèle avec les traitements chimiques nocifs mais moins nombreux réalisés en
viticulture conventionnelle. Et dont nombre de viticulteurs essaient de limiter au strict minimum (c’est la notion désormais répandue de « viticulture
raisonnée »).
A vous de juger.
A vous de juger.