dimanche 19 janvier 2014

In CRS I trust

Depuis quelques années, la région des Côtes-du-Rhône Septentrionales (des CRS bien inoffensifs) qui s’étendent du sud de Lyon au nord de Valence ont le vent en poupe. Leurs plus fervents admirateurs les portent aux nues et en parlent avec amour, peut-être plus qu'ailleurs. Il est donc fascinant d’aller y passer quelques jours pour comprendre l’évidente magie de noms mythiques tels que Côte-Rôtie, Hermitage ou bien encore Condrieu. Des terroirs certes, mais aussi des paysages fantastiques, des cépages précieux en parfaite adéquation avec leur milieu. Un mélange de tradition et de modernité saupoudré d’une touche d’humour et parsemé de créatures étranges.

Un vrai voyage…

vignoble Cote-Rôtie échalas

Il suffit de se promener dans les vignes de Côte-Rôtie pour comprendre qu’ici l’homme est en parfaite harmonie avec son environnement. Les pentes des coteaux peuvent être vertigineuses, dépassant parfois les 60 degrés ce qui, au-delà de la beauté du paysage, impose de trouver des solutions d’adaptation. D’où par exemple ces piquets de bois (les échalas) qui permettent de maintenir la vigne droite en dépit de la pente. 

vignoble Cote-Rôtie échalas murets

L’importante déclivité ainsi que le sol très caillouteux rendent toute mécanisation impossible. On revient donc ici nécessairement à une viticulture à l’ancienne, entièrement manuelle. Pour pallier la trop forte pente et lutter contre l’érosion importante des sols emportés à chaque intempérie, les viticulteurs ont élevé des murets de pierre créant ainsi des espaliers. On imagine facilement la pénibilité du travail qui doit être fourni tant pour travailler la vigne au quotidien que pour assurer l’entretien régulier de ces murets. Ceci explique en partie le prix élevé des bouteilles issues de ce cru.

Domaine Guigal Cote-Rôtie Etienne Guigal

La région a connu de très grands hommes qui ont laissé une empreinte forte par leur courage et leur foi indéfectible en leur terroir. Un nom vient immédiatement en tête, celui d’Etienne Guigal (dont le portrait a été sculpté dans un foudre exposé dans les caves du domaine à Ampuis), fondateur juste après la seconde guerre mondiale du domaine Guigal. Son fils Marcel a également beaucoup œuvré au développement de cette institution. Désormais mondialement connues, certaines de ses cuvées sont devenues au fil des ans des mythes absolus.

Domaine Guigal Cote-Rôtie La MoulineDomaine Guigal Cote-Rôtie La LandonneDomaine Guigal Cote-Rôtie La Turque

Les trois mythes de la maison Guigal sur Côte-Rôtie : la Mouline, la Landonne et la Turque. Des styles bien différents intimement liés à leur terroir d’origine : côte brune puissante ou côte blonde plus délicate. Certainement à l’image des deux filles du seigneur de Maugiron, propriétaire de Côte-rotie qui, selon la légende, aurait doté chacune d'elle de l’un de ses meilleurs terroirs... Quoi qu’il en soit, la Turque 2010 goûtée au domaine fut assurément un grand moment de dégustation.

Domaine Georges Vernay Condrieu Paul Ansellem

Une autre belle rencontre, celle de Paul Ansellem qui nous a parfaitement accueillis au domaine Vernay. Sa femme, Christine Vernay, a très brillamment repris la tête du domaine familial à la suite de son père, Georges Vernay. Tout comme les Guigal, les Vernay ont joué un rôle majeur dans la région. Georges Vernay fut ainsi le sauveur de l’appellation Condrieu et de son cépage phare, le viognier. Ce dernier n'était plus planté que sur une petite dizaine d’hectares dans les années 1940. Mais grâce à la conviction d’un homme, ce vignoble pu renaître et regagner ses lettres de noblesse.
Il faut boire aujourd’hui un grand Condrieu pour comprendre le fabuleux potentiel du viognier qui donne malheureusement trop souvent ailleurs des vins exagérément aromatiques et lourds. Un budget, certes, mais une belle émotion de dégustation à la clé !

Hermitage colline chapelle

Cap plus au sud vers la colline de l'Hermitage. On aperçoit ici le véritable emblème du cru : la chapelle éponyme construite au sommet dans laquelle le chevalier de Sterimberg s’installa en 1224 afin d’y vivre en ermite. Choix certainement dicté par la beauté des lieux mais aussi parce qu’il était possible d’y survivre grâce, notamment, au raisin qui y était cultivé depuis l’Antiquité. Les siècles ont passé, les vignes sont encore là et la chapelle veille toujours à la destinée de cette fabuleuse colline.

Hermitage colline chapelle

Bien loin des grandes parcelles quasiment plates de nombreux grands crus bordelais, on distingue bien sur cette photo que la colline de l’Hermitage présente un relief très accidenté, coïncidant avec une grande diversité de sols et d’expositions. Ce qui explique que traditionnellement, les vins d'Hermitage ne sont pas des sélections parcellaires (vins issus d'une seule parcelle sur la colline) mais des assemblages des différentes parcelles que possède un vigneron. 
Il s’agit bien d’une colline magique, capable de produire de très grands vins, tant en rouge qu’en blanc, dont le potentiel de vieillissement peut être absolument exceptionnel certaines années.

Hermitage colline cep de vignes

La beauté d’un pied de vigne de la colline de l’Hermitage après la pluie.

Tracteur ancien viticole chapoutier

La découverte de la région conduit parfois à d’étonnantes rencontres. Comme ce gros insecte orange aux yeux curieux… propriété de M. Chapoutier, autre grand nom de la région dont la qualité des cuvées s’est révélée impressionnante au regard de l’importance des volumes produits (plusieurs millions de bouteilles annuellement). 

vignerons de vienne gaillard villard cuilleron seyssuel

LA belle découverte. 
Les trois vignerons créateurs des Vins de Vienne (de gauche à droite) : François Villard, Yves Cuilleron et Pierre Gaillard. Ces trois audacieux personnages ont monté un très beau projet. Ils ont fait renaître de ses cendres le vignoble de Seyssuel. Ça ne vous parle pas ? C’est normal. Il y a encore une vingtaine d’années, il n’y avait plus grand-chose (et surtout pas de vignes) sur ces collines jouxtant celles de Côte-Rôtie. A partir d’un constat simple (un sol similaire à celui de son prestigieux voisin et le même type d’exposition), ces mousquetaires ont osé replanter des vignes. Et quel résultat ! Des vins d’une pureté aromatique phénoménale pour des tarifs relativement raisonnables. La preuve s’il en fallait encore une que certains terroirs totalement inconnus peuvent produire de très grandes choses. Une invitation à oser sortir des sentiers battus…

Mister vendangeur 2013

J’aurais aimé dire que cette écharpe m’avait coûté beaucoup de sueur. Que j’en étais très fier. Que je souhaitais saluer toute ma famille pour cette belle reconnaissance et que j’espérais qu’avec elle la misère allait reculer dans le monde… La seule chose, c’est que je n'ai pas participé à l'élection de Mister vendangeur 2013. Mais promis, l'écharpe ne m'échappera pas en 2014 ! 

Vins bio danger cuivre

Enfin, un dernier clin d’œil de nos amis rhodaniens. Quand on vous dit qu’il faut parfois se méfier des choses qui paraissent les plus inoffensives. Je ne souhaite pas refaire ici le débat pro / anti s'agissant du bio. Je rappelle juste que tout n’est pas aussi simple qu’il y parait puisque la production de raisins bio (et donc de vin bio in fine) nécessite davantage de passages dans les vignes pour réaliser des traitements contre les maladies. Et que ces traitements se font pour certains à base de cuivre qui est un métal lourd qui va se déposer dans les sols. A mettre donc simplement en parallèle avec les traitements chimiques nocifs mais moins nombreux réalisés en viticulture conventionnelle. Et dont nombre de viticulteurs essaient de limiter au strict minimum (c’est la notion désormais répandue de « viticulture raisonnée »). 
A vous de juger.