Etats-Unis : grands vins = grands noms ?

Certains domaines américains ont acquis un statut d'icône. C'est le cas du château Montelena, grand gagnant du jugement de Paris en 1976 face aux grands crus français. À la façade trône fièrement une bannière étoilée comme symbole de sa puissance et de sa renommée.

Un accueil par le maître du lieu : Bo Barrett. Après une rapide présentation, Bo nous a laissé entre les mains de son équipe pour une dégustation très décevante. Des vins sans âme, incompréhensibles. Pas sûr que ces vins battraient de nouveau les premiers grands crus classés bordelais si une nouvelle confrontation avait lieu aujourd'hui...

Autre grand nom mais dans une autre région : le château Sainte Michelle dans l'état de Washington. Un domaine gigantesque avec son château, imitation d'une demeure française pas trop mal réussie d'extérieur (je vous rassure, le kitsch a eu droit de cité à l'intérieur...). 

Bien sûr, lorsque l'on produit des millions de bouteilles et des dizaines de cuvées différentes (ici, chaque box contient une cuvée différente - seules une petite partie d'entre elles est ici photographiée !), difficile de garantir un niveau de qualité satisfaisant et constant. Pas d'émotion dans les cuvées goûtées donc mais des vins tout a fait corrects dans l'ensemble. 

Le domaine Belle pente : une magnifique promesse... déçue. Ce domaine, propriété d'un business man de la Silicon valley, produit sur une petite trentaine d'hectares (28,3 pour être précis), une dizaine de cuvées parcellaires. Des nez parfois magnifiques, notamment sur le riesling digne d'un très beau cru alsacien. Malheureusement, la bouche s'est souvent révélée en deçà. On aurait pu avoir de très grands vins, associés à une volonté de respecter la nature (viticulture en biodynamie). Mais les vins sont juste corrects, sans ce supplément d'âme qui marque les esprits et émeut. Dommage.

Élite parmi l'élite : Opus one. Fruit d'une joint venture entre Robert Mondavi, pape des vins californiens , et le château Mouton-Rothschild, ce vin bénéficie de tous les moyens possibles et imaginables. Aucune limite technique ici associée à des terrains reconnus comme des équivalents "grands crus". Le décorum est en outre impressionnant, tout est fait pour en mettre plein la vue.  

Les vins dégustés ce jour (un 2009 et un 2005) avaient en commun de superbes tanins soyeux, à la hauteur de ceux des grands noms du Bordelais. Aucun défaut, tout est net, droit. Le bois est présent mais avec une matière première de très grande qualité. Verdict ? L'ensemble n'arrache de larme à personne. On est ici dans l'expression d'un vin moderne, qui se veut parfait. Et qui en devient du coup lisse, voire fade. Pour autant, à voir la horde de touristes au domaine repartant une bouteille sous le bras (et délestés de 150$ à 200$), Opus One a totalement réussi son positionnement. Bravo.

Star des stars de la Sonoma Valley : le domaine Vérité et son vinificateur français Pierre Seillan, portés aux nues par Robert Parker. Pas moins de sept cuvées notées 100/100, cela plante un peu le décor... Jess Jackson (fondateur de Kendall-Jackson, l'un des très gros acteurs du vin aux Etats-Unis) a donné carte blanche à Pierre Seillan pour faire de ce domaine une référence. Là encore, de grands moyens avec toutefois davantage de sobriété que chez Opus One. A la dégustation, les trois cuvées (La Joie, la Muse et le Désir) présentes de splendides tannins et un toucher de bouche fabuleux. Mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, ces vins techniquement parfaits sont grands, pas grandioses. Mais comment, à 250€ la bouteille, de ne pas avoir des attentes très élevées (disproportionnées ?). Beaux vins pour amateurs fortunés, n'ayant certainement pas grand chose à envier aux premiers grands crus classés bordelais.  

Et puis les États-Unis, ce sont aussi des domaines à taille humaine, dans lesquels un travail d'orfèvre est également mené. Et où l'envie de faire des vins différents, propres à leur environnement, est une philosophie du quotidien. Il en va ainsi de Porter Creek Vineyards. Niché en pleine Russian River Valley, ce domaine de 16 hectares s'inscrit dans une démarche biodynamique, avec en fil rouge la volonté de réaliser un travail à la bourguignonne, respectueux de chacun des différents terroirs. Cette philosophie, Alex Davis, vigneron du lieu, l'a acquise auprès de Christophe Roumier. Et les résultats sont là avec de belles découvertes comme ce Zinfandel, d'une pureté et d'une précision aromatique bien éloignée des cuvées souvent caricaturales produites avec ce cépage en Californie. Et que dire des pinot noir sinon qu'ils sont la preuve que l'Oregon et l'Etat de Washington n'ont pas le monopole qualitatif sur ce cépage. Très beau ! 

Au domaine, au détour d'un chemin, quelques raisins brûlés par le soleil. Les conditions ici sont difficiles mais les bouteilles qui sont produites sont de bien beaux exemples de vins de terroir américains.

Parfois, il est bon de se prendre des claques. Et quelle claque ! DeLille cellars ou la preuve que les syrah pures, élégantes, subtilement épicées ne sont pas l'unique apanage des cotes du Rhône septentrionales. Et les autres cépages travaillés ici sont aussi autant de belles découvertes. Un petit domaine où règne une belle humilité, à quelques encablures du château Sainte-Michelle mais à des années lumière en termes de qualité. Les Etats-Unis dans ce qu'ils ont de très grand (et à des prix tout à fait raisonnables en outre). 

Micro domaine enfin pour l'une des plus belles surprises californiennes. Qui aurait imaginé qu'un petit domaine d'environ 10 hectares puisse produire un cabernet franc si magnifique de pureté ? La photo parle d'elle-même : c'était aussi bon que c'était beau. Félicitations à Delia Viader, grande dame du vin qui  su créer en une trentaine d'années un grand "petit domaine", digne de sa très belle réputation.

Le reste de la gamme est aussi joli. Tout comme le domaine niché dans un environnement de collines superbes. Malheureusement les volumes très limités rendent ces vins difficiles à trouver. Une excuse toute trouvée pour une petite escapade dans les vignobles californiens et une visite au domaine !