dimanche 22 décembre 2013

Oenodisney, c'est pas si mal...

Peu de noms dans la viticulture française ont le don de déchaîner les passions. Celui de Georges Duboeuf en est un. Ce dernier a assurément beaucoup œuvré pour le Beaujolais en réussissant notamment à faire célébrer le Beaujolais nouveau au monde entier le 3ème jeudi de chaque mois de novembre. Pourtant, d'aucuns lui reprochent d'avoir galvaudé l'image de toute une région, la réduisant à des vins de soif au mieux gouleyants, au pire franchement bas de gamme.
Et il est vrai que les (très bons) crus du Beaujolais, tels Morgon et Moulin-à-vent, souffrent d'un désamour chronique alors que leur rapport qualité-prix actuel est parfois exceptionnel. Si la surmédiatisation du Beaujolais nouveau a certainement joué un temps en leur défaveur, comment ne pas imaginer que Duboeuf fut un bouc émissaire tout trouvé pour ne pas avoir à se poser de questions quant à l'amélioration qualitative de certaines productions pas au niveau ?

Hameau Duboeuf Beaujolais

Dans ce contexte, il est facile d'imaginer que le lancement il y a 20 ans du complexe œnotouristique du groupe Duboeuf (le "hameau Duboeuf") n'a pas dû être unanimement soutenu. Encore la folie d'un homme en marge du monde traditionnel du vin... 
Quoi de mieux donc qu'une visite in situ pour se faire un avis sur ce complexe hors normes, qui, s'il n'évite pas certains écueils, a indubitablement le mérite d'amener des néophytes au monde du vin d'une manière ludique. Peut-être pas si bête en ces temps moroses...

Hameau Duboeuf BeaujolaisHameau Duboeuf Beaujolais

Dès l'entrée, le visiteur entre dans un univers qui semble très éloigné de celui du vin, surtout à quelques semaines de Noël. On retrouve en effet ici tous les codes des parcs d'attraction : décors hauts en couleurs, personnages de fiction célèbres, et même un cinéma en 4D, similaire nous dit-on à celui du Futuroscope de Poitiers. Ambiance...

Hameau Duboeuf Beaujolais

Aucune surprise donc à la découverte de trolls cavistes surveillant les pièces de vin en cours d'élevage. Précisons toutefois que ces personnages ne sont pas pérennes et qu'ils retrouveront les sous-sols une fois la magie de Noël terminée... On est toutefois rassuré que les touristes visitent au moins une cave, étape indispensable d'une plongée derrière l'étiquette.   

Hameau Duboeuf Beaujolais

Sous ses (faux) airs de Disneyland du vin, le hameau n'en est pas moins un très bel outil pédagogique. Le parcours transporte ainsi le visiteur à travers les siècles au moyen d'objets glanés par M. Duboeuf tout au long de sa vie de collectionneur : les amphores romaines côtoient ainsi un immense pressoir ancien, les tire-bouchons de toutes sortes font face à un (vrai) bar début XXème siècle...

Hameau Duboeuf BeaujolaisHameau Duboeuf Beaujolais

Hameau Duboeuf BeaujolaisHameau Duboeuf Beaujolais

La visite permet en outre de découvrir une très belle collection d'affiches anciennes pré-évinistes... Avec souvent des graphismes très travaillés et des slogans qui n'auraient malheureusement plus le droit de cité aujourd'hui. On retiendra évidemment que "les bons vins français donnent santé, gaîté, longévité" ! Une belle tranche d'histoire viticole. 

Hameau Duboeuf Beaujolais

La visite est aussi un moyen de faire un saut dans un temps pas si lointain où les moyens de lutte contre les maladies cryptogamiques de la vigne et les nuisibles étaient assez dérisoires. Ainsi, ces asperseurs d'eau bouillante qui permettaient de lutter contre des chenilles très nuisibles : les pyrales. 
Ces pratiques anciennes éreintantes ont bien sûr disparu, au prix de remèdes certes plus globaux et efficaces mais finalement dévastateurs tant pour les hommes que pour les sols : les intrants chimiques. Ceux-ci sont aujourd'hui partout décriés. L'alternative minimale consiste en une approche raisonnée de la viticulture : utilisation intelligente de ces produits quand il n'est pas possible de faire autrement. 

Hameau Duboeuf Beaujolais

Bien sûr, on reste ici dans le temple de la famille Dubœuf. Si la visite n'est en aucune façon une ode à sa gloire, elle n'en est pas moins ponctuée de quelques clins d’œil. Comme ici une bouteille parée du logo maison et présentée comme une œuvre d'art.

Hameau Duboeuf Beaujolais

Bon, la fin du parcours sent un peu l'excès de zèle : l'orgue de foire et sa musique beaucoup trop forte... Disons que remis dans le contexte d'ensemble, ça passe. Mais c'est à l'évidence l'élément le moins opportun de toute la visite.


Ne manquait plus qu'une chose pour que le projet soit complet : un restaurant mettant à l'honneur les spécialités beaujolaises. Un mâchon réconfortant en fin de visite et une qualité tout à fait honorable.

Finalement, on entre au hameau surpris et circonspect. On en ressort en se disant qu'il s'agit d'un très beau projet qui propose d'approcher le vin de manière simple et ludique. Dans un contexte où parler de vin est presque devenu tabou dans notre pays, il est rassurant que des professionnels osent porter des projets différents. Parler d'oenotourisme comme relais de croissance, c'est bien. Le mettre en oeuvre de manière réfléchie, c'est encore mieux !

3 commentaires:

  1. Bon, il n'y a pas à dire certains savent égayer les visites des domaines et des caves ce qui peut parfois permettre de souffler et revoir cette chère Margot avec son copain Pollux ne manque pas de réveiller de vieux souvenirs de jeunesse bien agréables. A quand une visite en famille, du domaine de M. Duboeuf ?

    RépondreSupprimer
  2. Toute aventure viticole étant la bienvenue, je suis bien évidemment prêt à repartir arpenter le vignoble beaujolais à tout moment !

    RépondreSupprimer
  3. Des affiches "pré-évinistes", vous m'en direz tant... Un beau néologisme que j'adopte de suite... Reste à trouver la conversation au cours de laquelle je pourrai le placer ! Je comprends mieux désormais l'attrait de notre vieux pou adoré pour les bons vins de France qui lui ont donné santé, gaîté et longévité : nous avons enfin percé son secret. En un mot, une véritable cure de jouvence.

    RépondreSupprimer