mercredi 22 octobre 2014

C'est la crise, mangez des galettes !

Bon, nous avons tous connu la fin de journée, fatigué par des heures interminables passées au bureau, et la question que l'on préfèrerait ne pas se poser : que mange-t-on ce soir ? Là où l'équation se complique, c'est qu'il faut souvent ajouter quelques critères : ce serait bien de manger vite (car on est affamé), si possible quelque chose de bon qui pourrait pourquoi pas être facilement partagé avec les amis que l'on était sur le point d'appeler pour éviter de déprimer. Et bien sûr, que tout cela soit abordable. Eh bien, la solution est bretonne, j'ai nommé "la galette de blé noir".

Galette blé noir jean-michel brouard
 
Pas besoin d'avoir eu une grand-mère bigoudène pour connaître le secret des galettes de blé noir (ou sarrasin). On ne peut guère faire plus simple : trois ingrédients que sont la farine de sarrasin (160 grammes), un œuf et de l'eau (37cl). il suffit de mettre tous les ingrédients dans un saladier et de mélanger, en ajoutant in fine 5g de gros sel. On obtient ainsi une belle pâte lisse (permettant de faire 5 galettes) qu'il n'est même pas besoin de faire reposer. Parfait, on avait très faim... 

Galette blé noir jean-michel brouard
 
Vient alors l'instant critique : la cuisson de la galette. La poêle doit être très chaude. Après l'avoir bien beurrée, il ne reste plus qu'à y mettre une louche de pâte que l'on répartit sur toute la surface. Ca fume, ça fait plein de petites bulles à la surface de la pâte. Bref, tout cela prend forme. Et en plus ça sent divinement bon. Que demande le peuple !

Galette blé noir jean-michel brouard

Une fois que la galette a été retournée (elle se décolle toute seule quand elle est suffisamment cuite), il ne reste plus qu'à la garnir. Autant le dire tout de suite, j'ai joué le grand classique qui fait toujours son effet : la quasi-complète (euh oui, j'avais oublié le gruyère). Donc du bon jambon à l'os et un œuf de ferme cassé dessus plus tard, les babines sont en plein émoi. Dur dur d'attendre la fin de la cuisson de l'œuf.

Galette blé noir jean-michel brouard

S'ensuivent alors différentes possibilités de présentation : à commencer par la création contemporaine entre fauvisme et dripping. Bref, une explosion de couleurs et des parfums à émouvoir les plus blasés...

Galette blé noir jean-michel brouard
 
Ou alors vous la jouer en mode rien ne dépasse, histoire de maintenir le suspense jusqu'à la première bouchée. tout dépend de votre niveau de sadisme culinaire. Dans tous les cas, vous n'aurez pas oublié d'ouvrir une belle bouteille de bière d'abbaye comme cette St-Rieul ambrée qui, en plus de changer du traditionnel (et un peu convenu) cidre, vous permettra de faire un excellent accord et n'en rendra votre petit moment breton que plus fort.
 
Bien sûr, le principe de ce genre de plat est de permettre d'utiliser n'importe quel reste du frigo. Méfiez-vous donc restes de chèvre, de thon, de tomates, de légumes... vous pourriez bien finir engalettés !
 
Et le tout pour à peine plus de quelques euros ! Alors, elle n'a pas du bon la crise ?

mardi 14 octobre 2014

Gérard Boyer, très grand Monsieur de la cuisine française

A l'heure d'un pessimisme généralisé dans le pays, certains événements nous font dire que tout n'est peut-être pas terminé, qu'il existe encore des personnes pour qui la France sera rayonnante ou ne sera pas. A l'heure des bonnes nouvelles, donc, ce magnifique repas organisé il y a quelques jours par les frères Gardinier, propriétaires du Groupe Taillevent (restaurants Taillevent et le 110 à Paris, caves Taillevent également dans la capitale, hôtel restaurant les Crayères à Reims et château Phélan Ségur pour ne citer que les actif français de la Maison). Afin de célébrer une fois de plus la grande tradition française dans ce qu'elle a de plus dynamique et moderne, un déjeuner était organisé aux Crayères pour mettre à l'honneur celui qui de longues années durant fut le chef mythique du restaurant : Gérard Boyer. Et avec lui tous les jeunes passés par ses fourneaux et devenus grands à leur tour.

Brigade les Crayères gardinier traditions passard boyer thierry


C'est sous sa houlette de Monsieur Boyer que cette vénérable (jeune) maison - la création des Crayères ne date que de 1983 - obtint son troisième macaron Michelin, graal gastronomique aujourd'hui parfois décrié mais toujours aussi jalousement convoité. Et à ses côtés, ce chef historique a fait éclore de très grands chefs dont la cuisine est inévitablement teintée de la patte du maître.
On reconnaîtra ainsi sur la photo de l'ensemble de la brigade prise au domaine, les enfants d'une famille unie par la passion de la belle cuisine, souriants car de retour auprès de leur père spirituel, au commencement de leur histoire : Alain Passart (trois macarons à l'Arpège, à Paris), Vincent Thierry (trois macarons au Caprice à Hong-Kong, Chine), Philippe Labbé (encore récemment deux macarons à l'Abeille, Paris) et Philippe Mille (actuel chef des cuisines des Crayères, auréolé de deux macarons). treize macarons Michelin réunis pour un repas nécessairement hors du commun.

Thème de ce déjeuner : Traditions françaises. Et un repas à 12 mains, chacun des chefs ainsi que le pâtissier maison ayant eu la tâche de créer ou de faire revivre un plat auquel serait associé une grande cuvée de champagne.


Pour commencer donc, des "langoustines royales en habit vert, beurre de champagne au caviar osciètre impérial" par Philippe Labbé. Fraîchement parti des cuisines de l'Abeille au Shangri-La à Paris, le chef montre une fois encore ici l'étendue de son talent avec un plat magnifiquement harmonieux. La chair ferme et délicate des langoustines s'associe parfaitement à la sauce légèrement acidulée. Le végétal apporte une dose de fondant supplémentaire et le tout est emporté dans une finale élégamment iodée. Une entrée en matière de très haut vol. 
Le champagne choisi était la cuvée brut nature 2006 de chez Roederer dont Stark a signé l'étiquette. Un choix judicieux au vu de l'ampleur de cette cuvée qui avait suffisamment de répondant sur ce plat fin mais puissant. 

Crayères Gardinier traditions vincent thierry

Le second plat était quant à lui un passeport vers autre monde, quelque part dans les nues de la gastronomie. Les saveurs se firent plus incisives avec cette "lasagne de homard breton, contrepoint de girolles et noix de ris de eau, mouillée d'une bisque légère". Certainement l'un des deux plats hors catégorie de ce déjeuner. Homard et girolles se liaient délicieusement dans cette bisque toute automnale, concentrée juste ce qu'il fallait, les ris de veau apportant une mâche complémentaire et jouant l'association "terre" du plat dans une imparable finesse. L'émotion monta avec ce très grand plat signé Vincent Thierry dont l'éloignement hong-kongais n'aura a l'évidence fait qu'accentuer son amour pour les beaux produits ici magnifiés.
Quant au vin, un Billecart-Salmon 2004 blanc de blancs, il mettait un joli gras au service du plat qui venait l'enrober subtilement. Grand accord !

Crayères Gardinier traditions philippe mille

 Philippe Mille a certainement le plat le plus original tout en y mettant un certain nombre de clins d'œil, chef résident des Crayères oblige. Tout d'abord, par les associations de goûts et de textures ici proposées. La cuisse de grenouille franchouillarde tenait ici la dragée haute à l'aristocrate truffe blanche transalpine. Mais ce furent aussi les quelques pommes soufflées, héritières de la plus belle tradition française, remises ici au goût du jour. Leur évanescence en bouche n'avait d'égal que la volupté de la blanquette de cèpes, véritable ossature du plat... et peut-être le seul bémol. Servie généreusement au fond de l 'assiette, elle s'avérait malheureusement quelque peu écœurante en fin de dégustation. Et le champagne servi en accompagnement ? Une belle surprise : un Charles Heidsick 1995 Blanc des Millénaires qui dévoilait toute son élégance ce qui en fit un très bon compagnon des arômes subtils du plat. 

Crayères Gardinier traditions passard turbot exceptionnel

 Lorsque l'on intitule un déjeuner "traditions françaises", on se doit de multiplier les symboles. Après le homard breton et les pommes soufflées, place fut faite à un magnifique turbot de plus de quatre kilos à la peau nacrée et merveilleusement dorée. Un prélude contemplatif ... réussissant le tour de force de nous faire saliver avec les yeux !

Crayères Gardinier traditions passard turbot

 Une découpe en salle plus tard, la pièce de turbot se retrouvait associée à une "béarnaise au vin jaune" et à un "gratin dauphinois au céleri rave". La surprise vint évidemment du céleri-rave bien confit dont la pointe terreuse acidulée fut un ravissement pour les papilles. Un enthousiasme peut-être moindre pour le poisson qui, bien que parfaitement cuit, ne trouvait pas dans la sauce un contrepoint digne de sa noblesse. L'idée était osée, parfaitement exécutée, mais le résultat ne parvint pas à offrir la même dose d'émotion que certains des plats précédents. Pour autant, Alain Passard a proposé une option radicale dont chacune des saveurs a trouvé un écho parfait avec le Dom Pérignon P2 Plénitude Deuxième Blanc 1998. La Champagne dans ce qu'elle a de superlatif : extrêmement complexe, d'une finesse diabolique. Un champagne enivrant à la persistance phénoménale. Et curieusement, pour la première fois dans le repas, c'est le champagne qui donnait envie de revenir au plat. Par chance, car la seconde impression était tout autre. Les réticences initialement perçues sont tombées par la magie de l'accord met-vin ici réalisé.

Crayères Gardinier traditions passard boyer pigeon foie gras

 Les quatre élèves s'étant exprimés, ne restait plus qu'à voir Le Chef entrer en scène. Dans un plat qui fut l'une de ses signatures, Gérard Boyer est parvenu à tout synthétiser : la haute cuisine française telle qu'elle a conquis le monde avec ses produits sublimes, ses feuilletages aériens, ses sauces uniques. Tout cela est beau, graphique, ce qui n'est pas un vain mot dans le monde designo-culinaire dans lequel nous évoluons. Et le résultat dépasse les espérances. Ce "feuilleté de pigeonneau au foie gras, émincé de choux, jus au fumet de truffes" s'est dévoilé tel un trésor. A peine la lame du couteau avait-elle pénétré cette gangue dorée que des effluves délicieux s'offrirent dans un tourbillon d'arômes. Tout était ici d'une légèreté insoupçonnable. La tendreté du pigeon répondait à la souplesse du foie gras; la sauce concentrée et truffée apportant le nécessaire coup de fouet vivifiant l'ensemble. Une claque magistrale pour moi, amoureux d'une certaine cuisine moderne et créative qui peine toutefois parfois à provoquer de grandes émotions. Et puis, une "grande année" 2004 de Bollinger qui jouait une partition écrite pour le plat, portée par cette fine oxydation caractéristique.

La magie d'un tel repas ne saurait être totalement dévoilée. Place à l'imaginaire donc pour les deux derniers services Point de photo mais une simple description, brève.

Le brie était ainsi "farci de fruits secs à la fève de tonka". Ou comment marier un crémeux tout francilien à des nuances d'Ailleurs. Le tout associé à un champagne au répondant idoine : un Nec Plus Ultra 1999 de Bruno Paillard.

Enfin, en apothéose, un "soufflé chaud praliné fruité, crème glacé au café torréfié". Une belle gourmandise signée Arthur Fèvre. Une douceur associée à un champagne Lanson 1990 vintage collection servi en magnum. Certainement l'accord le plus difficile à composer et qui, bien que tirant son épingle du jeu, ne parvenait pas réellement à convaincre. Ah, le sucre ! Si piégeur à l'égard des vins qui n'en sont pas assez dotés. Une fois encore, le dessert prenait ici le dessus sur le vin dont on ne pouvait que regretter de n'avoir pu le goûter seul tant il se montrait encore d'une insolente jeunesse.

Tous les nectars servis au cours de ce déjeuner furent tout bonnement exceptionnels. Les frères Gardinier sont viscéralement attachés à la tradition, aux traditions françaises. Quel plus bel hommage donc que cette ode à la gastronomie et au vin ? Celle-ci rappelle aux détracteurs d'une cuisine qui aurait raté le virage de la modernité que la cuisine française sait, encore et toujours, nous émouvoir et nous offrir, sans intellectualisation superflue, le plaisir du bon.

lundi 24 février 2014

Du chêne au tonneau

A voir le produit fini, on se dit qu’un tonneau n’est ni plus ni moins qu’un assemblage cerclé de pièces de bois. Mais comme souvent, cette apparente simplicité masque une complexité d’exécution
et un savoir-faire unique perpétués avec brio par la maison Vicard, 5ème tonnellerie mondiale et
dernière parmi les grandes à être familiale.
A titre d'information, la première tonnellerie mondiale en termes de volumes produits est la tonnellerie François Frères en Bourgogne, groupe qui a grossi par croissance externe avec des rachats successifs d'autres tonnelleries.

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

Leur site de production de … est tout bonnement gigantesque. Il s’agit d’ailleurs du plus grand site de stockage de merrains d’un seul tenant au monde (8 hectares). A perte de vue, ce ne sont qu’empilages de bois qui donnent l’étrange sentiment de se trouver dans un jeu de construction géant.

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

Tout commence avec la matière première. Après avoir été méticuleusement sélectionnés, les chênes âgés en moyenne de 200 ans (français en grande majorité et plus marginalement américains et européens) sont achetés au mieux disant lors de ventes aux enchères organisées par l’Organisme National des Eaux et Forêts. Ils sont ensuite débités en merrains, morceaux de bois qui constitueront l’ossature de la future barrique (225 litres – modèle bordelais), pièce (228 litres – modèle bourguignon) ou fût cognaçais (300 litres).  Cette étape, comme d’autres après elle, génère une importante perte de matière première ce qui contribue à chaque fois à augmenter le coût de revient. Ceci est l’un des facteurs explicatif du prix élevé des tonneaux (de 500€ à 800€ pièce selon, notamment, les qualités de bois utilisées).

Toutefois, les merrains ne sauraient être utilisés immédiatement. En effet, le bois nécessite une période de séchage afin de ne pas éclater lors de l’assemblage. Traditionnellement, comme c’est encore le cas chez Vicard, la durée de séchage du bois est de trois ans à l’air libre. D’où la différence de couleur entre un bois fraîchement entreposé (bois clair à droite de la photo) et un bois ayant subi les assauts des éléments naturels, en particulier la pluie (bois foncé à gauche de la photo).

Certains tonneliers, pour des raisons financières, accélèrent ce processus en aspergeant régulièrement le bois et en le faisant passer dans des étuves. Pour autant, les grands tonneliers s'y refusent car la qualité ainsi obtenue n'est jamais équivalente.

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

Une fois les merrains suffisamment secs, il est nécessaire de les façonner afin de leur donner une forme incurvée, indispensable pour pouvoir obtenir in fine l’aspect bombé du tonneau. Cette transformation s’accompagne d’un changement de nom : de merrains ils deviennent douelles.

Tonnellerie Vicard douelles

Sur cette vue rapprochée, on constate que le sens de découpe initial des merrains est toujours le même. Celui-ci se fait dans le sens des nœuds médullaires (ce sont les traits plus clairs et obliques) afin d’assurer tant une meilleure résistance qu’une parfaite étanchéité.

Autre point d’intérêt sur ce plan rapproché : le grain du bois. Il s’agit de la structure même du bois qui va être plus ou moins serrée. On parle ainsi d’un grain fin, mi-fin ou gros selon les espèces et les forêts dans lesquelles poussent les arbres. Ces différences dépendent directement de la vitesse de croissance de l’arbre. Plus elle sera lente, plus le grain sera fin.

Le choix du grain du bois pour l'élevage d'un vin ou d'un spiritueux s'avère décisif puisqu'il va avoir un impact direct sur le style du produit final. Un gros grain relâchera plus rapidement les tanins contenus dans le bois. A temps de vieillissement équivalent, un gros grain apportera donc un goût boisé plus prononcé. En outre, un gros grain présente une perméabilité plu importante. Les échanges entre le liquide et l'air à l'extérieur du tonneau sont donc plus importants. Ceci implique un processus d'oxydation et donc de vieillissement plus rapide.

Tonnellerie Vicard douelle

Bien que traditionnel, le processus de fabrication d’un tonneau n’est pas exempt d’innovation. Ainsi de ces entailles à l’intérieur des douelles pratiquées par la tonnellerie Vicard afin de permettre à l’eau toujours contenue dans le bois (environ 12%) de s’échapper lors du processus de chauffe du fût (voir plus bas). Ceci évite l’apparition de cloques fragilisant le bois.


Arrive ensuite l’étape d’assemblage des douelles entre elles afin de mettre en forme le tonneau. Comme le montre la photo, un pré-assemblage permet de les disposer en forme circulaire. Un ouvrier va venir ensuite passer un câble autour d’elles. Le tonneau est alors enfermé dans un bain de vapeur qui va permettre d’assouplir et de courber le bois, le câble se resserrant progressivement afin d’assurer la jointure de l’ensemble des douelles.

L’automatisation de ce processus est propre à certaines tonnelleries. Certaines continuent de travailler à ce stade de manière traditionnelle en façonnant le tonneau manuellement. Son assouplissement progressif est dès lors obtenu en positionnant une flamme en son centre et en l’aspergeant d’eau à l’extérieur, comme ci-après à la tonnellerie Nadalié à Bordeaux.

Assemblage tonneau tonnellerie NadaliéAssemblage tonneau tonnellerie Nadalié

Les tenants de la technique moderne arguent qu'elle permet d'éviter un pré-toastage du bois ce qui limite le développement non maîtrisé de certains arômes.


Des cercles de métal permettent ensuite de maintenir l'ensemble des douelles entre elles. Ces cercles d'occasion seront remplacés en fin de processus de fabrication par des cercles neufs plus esthétiques.

Tonnellerie Vicard chauffe tonneau

Lorsque le tonneau a été assemblé et maintenu par un cerclage temporaire intervient une étape délicate : la chauffe. Le tonneau est placé au-dessus d’un foyer  (photo de gauche), ce dernier n’étant pas directement au contact du bois. Le feu est enchâssé dans un cœur de fonte qui rayonnera de manière homogène et assurera ainsi le même niveau de « cuisson » pour tout l’intérieur du tonneau. Dans la même optique, le tonneau est isolé au cours de la période de chauffe dans une gangue de métal (photo de droite).

chauffe tonneau Vicard

L’intérieur d’un tonneau ayant subi une chauffe moyenne homogène comme en témoigne la coloration. Ce résultat est obtenu après un passage au chaud d’environ une heure.


Evidemment, le tonneau doit disposer d’une bonde qui permettra de le remplir, de le mettre à niveau (il s’agit du ouillage) ou de le vider. Cette opération est gérée par une machine. 

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

Beaucoup d’étapes déjà mais un processus de production encore loin d’être fini. Le tonneau doit désormais être fermé. Afin de disposer le couvercle et le fond, une machine taille des rigoles aux deux extrémités. Se pose alors le problème de l’étanchéité des jointures qui est résolu de manière tout à fait surprenante à l’aide de farine (le joint apparaît bien en haut du tonneau sur la photo).

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

Le processus qualité est drastique, chaque tonneau faisant l’objet d’une vérification quant à sa parfaite étanchéité. A cet effet, chacun d’eux est rempli d’eau. Si l’on constate la moindre fuite, il est encore possible de changer la douelle défectueuse.

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

En l’état, les tonneaux sont quasiment achevés, ne reste plus que quelques opérations d’embellissement.

Assemblage tonneau tonnellerie vicard

En fin de chaîne de fabrication, les tonneaux ont encore un aspect brut. Il est indispensable, pour pouvoir les commercialiser, de les poncer afin que le bois présente un aspect totalement neuf. 

Tonnellerie Vicard fabrication tonneau

Les tonneaux ont désormais été poncés et parés de cerclages neufs qui seront définitifs. A cet instant, ils sont tous identiques mais encore anonymes.

Assemblage tonneau tonnellerie vicard

C’est donc là qu’intervient le marquage de chaque tonneau au laser. Alors qu'un laser rouge permet de correctement positionner le tonneau, différents lasers excessivement précis et puissants vont venir brûler le bois en surface afin d’en marquer la provenance. Ce processus est très rapide, à peine quelques secondes. Les lasers marquent dans un premier temps le contour de l’inscription avant d’en assurer le remplissage. Sur la photo, la partie droite de l’inscription a été réalisée, les quatre lasers étant en train de terminer l’opération vers la gauche.

A ce stade, chaque client a la possibilité de personnaliser les inscriptions qui apparaîtront. Une option payante évidemment qui viendra augmenter encore un peu le prix du tonneau.

Assemblage tonneau tonnellerie vicard

Enfin, le tonneau est conditionné, prêt à être expédié aux quatre coins du monde. Et comme pour tout objet manufacturé, les tonneaux sont livrés avec un mode d’emploi. Comme on le voit sur cette photo, tout tonneau transporté par container devra nécessairement être rempli d’eau avant utilisation afin de redonner au bois la forme exacte qui lui a été donnée initialement par la tonnellerie (la chaleur pendant le transport pouvant déformer légèrement le bois).

Une fois livrés, les tonneaux seront utilisés plusieurs années. Certains producteurs de vin ne les garderont qu'un an afin de transmettre un goût boisé maximal au vin (les tonneaux sont alors revendus à d'autres producteurs). D'autres les conserveront en revanche plus longtemps (cinq ou six ans, voire plus parfois) afin de limiter cet apport boisé au vin. La tendance actuelle est à un retour à un boisé plus délicat dans le vin, les vins dits parkerisés (forte extraction, boisé très présent) n'étant plus aussi demandés.

lundi 10 février 2014

Rogneuse + cuve + érafloir = SITEVI


SITEVI 2013 Montpellier

SITEVI... Encore un obscur acronyme me direz vous ? Gagné. Car il s'agit du Salon International pour les filières vigne-vin, fruits-légumes et oléiculture. Rien que ça ! En somme, un salon professionnel se tenant au parc des expositions de Montpellier destiné à présenter toutes les nouveautés en termes d'équipements techniques avec une prédominance pour la filière viticole.
L'occasion de découvrir de bien belles choses.

SITEVI 2013 MontpellierSITEVI 2013 Montpellier
Ce qu'il y a de bien au SITEVI, c'est que l'on peut être surpris à chaque stand. Entre un véhicule tout droit sorti de Mad Max (en réalité un semi-remorque dernier cri) et des réacteurs d'un avion supersonique (un érafloir permettant de séparer les grains de raisin des rafles avant la fermentation alcoolique), on se croirait davantage dans un film que sur un salon spécialisé vins.

SITEVI 2013 MontpellierSITEVI 2013 Montpellier
"Que de couleurs ! Que de couleurs" se serait certainement exclamé Mac Mahon en découvrant ces matières sèches (c'est-à-dire tous les éléments hors vin) dernier cri. Il faut dire que ces bouteilles phosphorescentes, idéales en boîte de nuit, et ces bouchons multicolores ont le mérite de dépoussiérer l'image parfois vieillissante du vin. Reste à savoir si les consommateurs pourraient être séduits. 

SITEVI 2013 Montpellier

Et puis il y a les cuves. Encore des cuves. Toujours des cuves. Des cuves de toutes tailles et de toutes formes. Des octogonales, des ovales, des rondes, des grandes, des petites, des matériaux divers et variés. Le paradis des cuvophiles (mot inconnu dans le petit Larousse mais qui mériterait certainement d'y être) !

SITEVI 2013 Montpellier

Et voici la fameuse cuve ovale, parfaite pour permettre une bonne remise en suspension des lies dans le vin. Ces particules permettent, notamment dans le vin blanc, d'apporter de la matière (du "gras") lorsqu'elles sont régulièrement remuées. Cette cuve évite de faire cette opération manuellement (le bâtonnage), la force d'attraction de la lune induisant à elle seule ce mouvement à l'intérieur du contenant.

SITEVI 2013 Montpellier

Enfin, de bien belles machines qui ressemblent étrangement à des carburateurs géants. Ce sont en fait des filtres tangentiels qui sont de plus en plus utilisés, en dépit de leur prix. Ceux-ci permettent de filtrer presque tous les types de vins, avec une turbidité finale très faible (c'est-à-dire que les vins sont presque totalement limpides). 

Plus généralement, les filtrations sont très répandues car elles permettent de stabiliser les vins avant leur mise en bouteille. Certains y sont pourtant opposés (mention "ni collé ni filtré" sur certaines étiquettes), arguant qu'elle retire aux vins une partie de sa structure notamment aromatique. 

En la matière, pas de dogme. Disons qu'il est possible de produire de grands vins filtrés ou non, tout dépend du niveau de risque que le vigneron est prêt à assumer. Les consommateurs ne souhaitent pas forcément avoir des vins déviant légèrement de leur aspect habituel, notamment en termes de couleur. 



lundi 3 février 2014

L'esprit des Côtes du Rhône méridionales

Côtes du Rhône méridionales conduite en lyre

Il flotte dans les côtes du Rhône sméridionales comme un esprit particulier. On trouve dans ces terres relativement arides des éléments surprenants. A l’image de ces structures en V qui surprennent de prime abord. Ce ne sont pourtant que des tuteurs permettant la conduite de la vigne en lyre. Ce type de conduite a été mise au point à Sup’Agro Montpellier par le brillant professeur de viticulteur, M. Carbonneau.  Cette architecture optimise le sacro-saint rapport hauteur (du feuillage) / espacement (entre les rangs de vigne), essentiel pour assurer une bonne maturation des raisins.

Côtes du Rhône Viret cosmoculture

Mais le sud de la vallée du Rhône, ce sont aussi de vrais personnages aux projets pour le moins atypiques. L’exemple le plus frappant est celui du domaine Viret, chantre puisqu’inventeur de la notion de cosmoculture. Approche très particulière du vin fondée sur une mise en exergue des différentes forces de la nature dans tout le processus de fabrication du vin, élevant ce dernier au rang de produit sacré. D’où la construction de cette véritable cathédrale pour son élevage, permettant aux énergies de s’exprimer pleinement.

Côtes du Rhône Viret cosmoculture amphores

Dans cette même optique, une part importante du vin produit au domaine est élevée dans des amphores produites de manière totalement artisanale. Les exemples d’élevage du vin dans ce contenant ne manquent pas à travers le monde. Mais chez Viret, à la différence de nombre de ses confères, il ne s’agit pas d’un simple essai - disons - folklorique. C’est en effet ici un élément central de l’élaboration des vins. L’intérêt des amphores repose dans le fait que la terre cuite, poreuse, autorise des échanges beaucoup plus importants entre le vin et l’air que dans un  tonneau classique (trois fois plus au dire de René Barbier du Clos Mogador dans le Priorat en Espagne).

Côtes du Rhône Gramenon

Mais saisir l’esprit des côtes du Rhône méridionales nécessite aussi de sortir pour tenter d’appréhender un milieu d’une beauté incroyable. En témoigne le domaine Gramenon, l'un des symboles des vins natures, qui se situe entre montagnes  et oliviers.

Côtes du Rhône Gramenon

L’arrivée au domaine par un (très) froid matin de décembre est un spectacle tout bonnement magique. L’impression d’être seul au monde dans un paysage grandiose où la nature semble pouvoir pleinement s’exprimer.

Côtes du Rhône Gramenon pieds centenaires

Une ballade dans les vignes permet de se trouver face à des pieds centenaires de grenache d’une beauté saisissante. Parler ici de vieilles vignes prend tout son sens, à l’inverse de nombreux domaines pour qui des vignes de vingt ans sont déjà vieilles... Disons que ceux-ci ont parfaitement saisi le potentiel marketing de ce terme dont l’utilisation ne fait l’objet d’aucune réglementation.

Ces vieilles vignes sont ici l'une des expressions du respect du vivant que prône le domaine via une approche biologique mise en oeuvre depuis sa création en 1979.

Côtes du Rhône Gramenon michèle aubery-laurent

Et ce domaine a bien une âme particulière, insufflée avec brio par Mme Aubéry-Laurent. Son immense courage l’a conduite à continuer l’œuvre de son mari prématurément décédé alors qu’elle n’était pas du milieu viticole. Simple mais passionnée et animée par de profondes convictions quant au bien-fondé de son approche, elle fait preuve d’une énergie communicative. Et ses vins sont touchants de sincérité, dénués d’artifices. Un domaine à découvrir.

Suze-la-Rousse université du vin

Après l’âme des vieilles vignes, celui des vieilles pierres. Direction le Vaucluse, à Suze-la-Rousse, où l’université du vin s’est tout simplement installée dans le splendide château du village qui domine toute la région. Etudier ici permet d’avoir un lien avec l’histoire et les traditions de la région et de certainement mieux appréhender le rapport ancien qu'on ici les hommes avec la vigne.

Château de Beaucastel galets roulés

A l’image du vignoble de Châteauneuf-du-pape, des vignes sont plantées dans la région depuis des siècles. La qualité des terroirs a en effet été identifiée très tôt. Il faut dire que les vignes bénéficient ici de véritables alliés : les galets roulés que l’on distingue au premier plan. Ceux-ci ont été charriés par le Rhône pendant des années, leur donnant leur forme ronde caractéristique. Le Rhône s’est ensuite retiré mais les galets sont restés, permettant d’emmagasiner la chaleur pendant la journée et de la restituer la nuit. Ce processus permet d’assurer une maturation optimale des raisins. On le retrouve dans d’autres régions, notamment les Graves dans le bordelais dont le nom n’est rien d’autre que celui des galets roulés éponymes locaux.

Côtes du Rhône méridionales Mas de Libian

Après tout cela, on se doute bien que certaines dégustations ne sauraient être trop convenues. Ainsi du domaine du Mas de Libian où quelques palettes superposées ont permis d’improviser une jolie séance de dégustation. Et de trouver une nouvelle idée déco ?

Châteauneuf-du-pape Chante-cigale

Quoi qu’il en soit, si cette région semble avoir une âme, c’est certainement qu’elle doit avoir un protecteur quelque part, veillant sur ses vignes… et ses cuves ! Je vous laisse méditer.